Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Parsifal | Perceval

3 DVD EuroArts (2012)
2066738
Richard Wagner | Parsifal

Au château de Montsalvat, enclave de la Chrétienté au sein d’une Espagne païenne, Titurel et ses chevaliers gardent la lance qui servit au centurion Longinus à percer le flanc du Christ et le Saint Graal qui recueillit son sang. Mais l’arme sacrée est perdue par Amfortas (fils de Titurel) au royaume du maléfique Klingsor, piégé par l’enchanteresse Kundry et désormais porteur d’une blessure qui ne veut pas guérir. Seule la récupération de la lance par un « chaste fol », innocent capable de résister aux tentations, peut ramener le royaume du Graal à son état antérieur. Parsifal, Bühnenweihfestspiel en trois actes, peut alors commencer…

Si le célèbre drame scénique sacré est créé à Bayreuth le 26 juillet 1882, le projet occupe Wagner depuis près de quarante ans, une fois découvert le Parzival écrit par Wolfram von Eschenbach au début du XIIIe siècle, lui-même inspiré du Perceval le Gallois de Chrétien de Troyes (vers 1180). Évoluant au fil des décennies, l’ouvrage reflète différents conflits entre le Bien et le Mal, la chair et l’esprit, la foi et l’incroyance, posant des questions comme le compositeur, nourrit de Feuerbach et bientôt de brahmanisme (loué comme « la religion de l’intelligence », rapporte Cosima), s’y exerçait déjà dans Art et révolution (Leipzig, 1849) :

« Le christianisme a un contenu purement spirituel, surnaturel. Il prêche l’humilité, le renoncement, le mépris des biens de ce monde mais aussi l’amour fraternel. Comment ces préceptes sont-ils appliqués dans notre monde moderne qui se dit chrétien et considère la religion chrétienne comme sa base inébranlable ? Sous la forme de l’orgueil, de l’hypocrisie, de l’usure, du vol et du mépris égoïste de celui qui souffre ».

Sollicité par la Staatsoper peu après la réunification allemande, et fort de son expérience au Bayreuther Festspielhaus durant la décennie écoulée, Daniel Barenboïm apparaît au pupitre de cette production berlinoise en octobre 1992. Hélas, dès le Vorspiel, la direction s’avère soigneuse mais décousue, si bien que la Staatskapelle Berlin (cuivres et violoncelles de talent), presque effacée, balance tout du long entre une solennité creuse qui pontifie et une vulgarité sans aucun chatoiement ni dissonance, compromis entre Offenbach et Hollywood. Il faut dire que, filmé de près, le chef s’y connaît en cinéma

Heureusement, la mise en scène d’Harry Kupfer apparaît moins superficielle et tout à fait prenante – avec un côté rétro-futuriste, qui ose des Filles-Fleurs égayant des écrans posés comme une araignée sur sa toile –, pour servir d’écrin à des chanteurs remarquables : Paul Elming (Parsifal) clair et évident, Falk Struckmann (Amfortas) souple et nuancé, John Tomlinson (Gurnemanz) ferme et sonore, Waltraud Meier (éternelle Kundry – bientôt à Baden Baden [lire notre critique du DVD]) à son zénith, Günter von Kannen (Klingsor) vaillant et impacté, Fritz Hübner (Titurel) à la voix saine malgré quelques ratés.

LB